Dialogue avec mon ombre

Fragments d’ombre, de puissance, et de renaissance bien ordinaire!

Femme debout, encore un peu écorchée, mais vivante.
J’écris pour apprivoiser mon ombre et pour donner voix à ce qui renaît, lentement.
Derrière chaque mot, il y a une main tendue — vers soi, vers les autres, vers le possible.

Les fondations de la maison d’en bas

Quand je suis partie, je ne voulais pas fuir.
Je voulais recommencer.
Trouver un espace clair, un endroit où mes enfants et moi pourrions respirer; être NOUS.

Jamais je n’aurais cru que tout repartir serait si ardu.
Les loyers étaient trop chers pour une mère seule qui avait tout mis sur pause pour qu’un autre avance.
Un 5 ½ à 1 700 $, c’était le prix d’un nouveau départ. Trop élevé pour la liberté.

J’avais troqué mes études pour sa carrière.
Et quand tout s’est effondré, je n’avais plus que mes mains vides et deux paires d’yeux qui cherchaient en moi la solidité du monde.

Je fonctionnais sans être fonctionnelle. Trop bien, même.
Tellement bien que tout le monde croyait que je n’avais pas besoin d’aide.
On croit souvent que la dépression s’annonce en larmes, de mon côté elle s’est installée dans le calme.

Un calme pesant, trop lisse, où le corps, fatigué d’endurer, commence à parler, des cris silencieux que personne ne comprend… pas même moi.

C’est la vie qui m’a ramenée là où tout avait commencé.
Sous le même toit, mais autrement.
Pas comme une enfant qu’on recueille,
plutôt comme une femme qu’on relève.

Le hasard a pris la forme d’une maison en rénovation,
et d’un « pourquoi pas » devenu promesse silencieuse.

Depuis, la lumière remonte du sous-sol vers le cœur de la maison.
Trois générations apprennent à y trouver leur place :
eux, les racines ;
moi, la tige qui repousse ;
et mes enfants, les bourgeons qui cherchent à exploser!

Ce n’est pas toujours simple, mais c’est plein de vie.
Imparfaitement parfait. À l’image de l’éducation « pas pareille » que j’ai reçue.

Ce sous-sol est devenu bien plus qu’un refuge.
C’est une parcelle de patrimoine partagée,
un héritage de confiance et de solidarité.
En devenant copropriétaires, nous avons tissé un lien nouveau :
eux m’ont offert une chance d’avancer,
et moi, la certitude que leurs racines serviraient à faire pousser d’autres vies.

Les mots circulent, les rires cognent aux planchers,
et parfois, c’est moi qui dois retrouver un peu de silence.
Jamais mes parents n’ont tenté de combler un manque.
Mais la figure bienveillante de mon père, sa présence et sa folie tranquille,
ont suffi à combler un espace que je croyais perdu.
Grâce à eux, mes petits (maintenant grands) sont devenus des humains encore plus magnifiques.

Et moi, j’ai appris à respirer dans cet équilibre fragile.

Grâce à la solidarité de mes voisins d’en haut,
j’ai pu redécouvrir la solitude.
Cette compagne qu’on regarde souvent avec méfiance,
comme si être seule voulait dire être incomplète.

J’ai appris à accueillir celle que j’étais devenue,
à observer mes mécanismes de défense:
ces remparts invisibles que j’avais construits pour ne plus souffrir,
et qui, lentement, se fissuraient sous la lumière.
J’ai appris à m’écouter, à me réparer, à m’aimer sans témoin.
Et dans ce silence habité, je me suis enfin vue.

Elle, la solitude, a préparé le terrain avant toute reconstruction.

Huit ans plus tard, je commence à peine à baisser les armes
et à ouvrir la porte de mon nouveau monde.

Triste réalité, pensez-vous ?
Pour moi, aucun regret.
C’était le passage nécessaire vers la liberté.

Parce qu’avant d’aimer à nouveau, il faut se retrouver soi-même.
Et avant de bâtir ailleurs, il faut savoir où poser ses fondations intérieures.

Aujourd’hui, mon sous-sol a grandi.
Et il est plus lumineux que jamais.
La lumière monte même jusqu’à mes voisins d’en haut,
doucement, paisiblement,
comme une paix qu’aucun de nous n’attendait.

Chaque femme devrait avoir cette chance :
un lieu pour se relever, une famille pour l’y aider,
et le droit d’être seule sans que ce ne soit perçu comme un échec.

« Au sous-sol, j’ai construit mes fondations.
Qu’aucune femme n’ait à se rebâtir seule. »

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