Il y a cinq ans, j’ai écrasé ma dernière cigarette.
C’était le 26 octobre 2020.
Je croyais arrêter de fumer, mais en vérité, j’ai recommencé à respirer.
Ce n’était pas la première fois…
Pour lui plaire, j’avais déjà arrêté.
À l’époque où j’étais libre, bruyante, trop vivante peut-être.
Puis il est arrivé, avec son regard qui voulait tout contenir.
Il n’aimait pas la fumée. Ni mon feu.
Ni mes mots trop grands.
Ni mes rires trop sonores.
Ni ma façon d’exister sans permission.
Alors j’ai rapetissé.
Par amour, croyais-je.
Par peur, surtout.
J’ai effacé les bords de moi pour qu’il n’y reste que ce qu’il voulait voir :
une femme sage, disponible, docile.
Et parfois, quand j’étais hors de son angle mort, je fumais en cachette.
Je m’empressais de boire et de fumer, comme pour me rappeler que celle que j’étais — la vraie — n’avait pas totalement disparu, brûlée avec le feu du mensonge.
Quand notre ombre s’éloigne, il ne reste que le vide — celui d’une présence qu’on ne savait pas aimer.
J’ai vécu longtemps dans cette illusion tranquille,
sous la lumière crue de l’apparence.
J’étais forte, efficace, aimée des autres,
mais absente de moi-même.
Un jour, ma famille a vu la faille.
Le regard inquiet, les bras tendus.
Le mot est tombé comme une gifle douce :
“Ça suffit.”
J’ai demandé le divorce.
Et Benson & Hedges, fidèles complices, ont refait surface.
Un peu pour le narguer, sans doute.
Mais surtout pour me rappeler que ma vie m’appartient.
Et que j’ai le droit de faire mes choix — bons ou mauvais.
La liberté s’est approchée,
timide comme un animal blessé.
Il m’a fallu du temps, beaucoup de temps, pour l’apprivoiser,
pour lui redonner le droit d’entrer dans ma maison.
Aujourd’hui, cinq ans après ma dernière cigarette,
je peux le dire : je respire pour vrai.
Peut-être que la femme que j’ai été s’est éteinte avec la cendre du passé.
Mais celle que je suis devenue, j’ai appris à l’aimer, à en être fière!
Entre la fumée et le souffle, j’ai scellé un pacte avec mon ombre.
Celui de ne plus fuir mes excès, mais d’en faire des forces.
D’inspirer les autres, d’expirer ma rage, et d’avancer dans la sobriété— entière, fidèle à moi-même.
Désormais, lorsque je ferme les yeux, je sens toujours mon ombre à mes côtés — pas derrière, pas devant.
Juste là, fidèle.

« Entre la fumée et le souffle, il y a la femme que je suis devenue »

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